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"Ostheim 1945 - 1995"
Publié par le Village d' Ostheim
Ostheim Avant 1945, Histoire d'une Rue
par Un Ancien Riverain: Jean-Jacques Sturm

Je ressens aujourd'hui le désir impérieux de parler de la rue de l'Eglise d'Ostheim qui évoquera pour certains des souvenirs d'enfance et permettra à d'autres de la découvrir.

La rue de l'Eglise, celle où j'ai grandi, était une rue semblable à celles que l'on voit encore dans certains villages du Ried. C'était une rue bordée de maisons crépies, aux teintes variées et construites sur un seul étage. Un espace étroit appélé "Schlupf" séparait les maisons les unes des autres ou venaient se déverser les eaux usées domestiques. Ces eaux s'écoulaient ensuite dans une rigole pavée qui longeait de part et d'autre la rue et ou de temps en temps baignait une nouille rapidement récupérée par une poule égarée. La rue commençait aux environs de l'actuel croisement de la route de Colmar et de la rue de Jebsheim et se prolongeait vers le Sud jusqu'à la hauteur des maisons N. 9 et N. 11. A cet endroit se trouvaient une petite place où s'élevaient de magnifiques marronniers et en arrière plan l'ancienne Eglise Catholique. La rue débouchait sur l'intersection formée par la rue de Général Geil et la rue Albert Schweitzer, ancienne route de Colmar.

A l'époque, le village se composait essentiellement d'agriculeurs. Dès l'aube, leurs allées et venues en chariots tractés par des chevaux de labours animaient quotidiennement la rue. Aux crissements stridents des roues sur la chaussées s'ajoutait le bruit du martellement des cordonniers BARBARAS Henri et LISS Virgile. De leurs ateliers s'échappait une odeur enivrante de poix méangée à celle du cuir. En amont flottait l'odeur du pain frais tout juste sorti du four du boulanger SIGWALT Jacques. Pour accéder au magasin, il fallait descendre deux marches. Derrière le comptoir, mademoiselle Amelie vendait les énormes miches croustillantes. Jadis, le pain était vendu au poids ce qui faisait le bonheur du gamin qui cherchait le pain car c'est à lui que revenait le petit morceau de pain qui faisait l'appoint. C'est durant l'été que le boulanger faisait son stock de bois utilisé ultrieurement pour la cuisson du pain. C'était un évènement pour les enfants de la rue de voir arriver l'attelage du débardeur FROELICH Charles. Deux puissants ardennais dociles tiraient le chariot chargé d'au moins six stères de bûches provenant des forêts de Riquewihr ou de Ribeauvillé. Afin de mieux franchir les obstacles de la rigole et de la cour pavée, l'attelage faisait quelques instants une halte pour reprendre son souffle. Soudain sur l'ordre autoritaire de monsieur FROELICH, les bêtes s'élancaient dans la cour et de leurs fers jaillissaient des etincelles. En un élan, le chariot était tracté devant le hangar à bois. Puis les chevaux détellés s'en retournaient à leur bercail sans guide. Le déchargement des bûches se déroulait jusque tard dans la nuit.

Au carrefour de la rue de l'Eglise et de la rue de Jebsheim se trouvait l'épicerie de monsieur BARBARAS Charles. L'épicerie était d'une part le lieu de rencontres et d'échanges, des ménagères et d'autre part un paradis de délices pour les enfants qui recevaient de temps en temps un bonbon de madame BARBARAS. Son époux s'affairait dans son atelier de réparation de cycles et de motos. A l'époque, il faisait parti des quelques personnes du village à posséder une voiture. Cette dernière était occasionnellement solicitée pour transporter les personnes malades vers l'hospice de Colmar. Dans la dernière maison de la rue habitait le tailleur pour hommes, monsieur OTTENWAELTER Jospeh. Mais si ces artisans contribuaient en partie à l'animation de la rue, l'essentiel de l'agitation émanait de la population agricole, jadis majoritaire. Enfants, nous étions témoins des scènes paysannes qui rythmaient la vie du village. La rue arbitait huit exploitations agricoles; les familles SPECHT Emile, HARTMANN Charles, GRIMM Gottfried, STURM Charles, HEIM Georges, SCHAERLINGER Paul, KUCHEL Daniel et WICKERSHEIM Jacques. Ces demeures se caractérisaient par une habitation principale où cohabitaient souvent trois générations, à côté de laquelle se trouvaient les dépendances comprenant la grange, les écuries, l'étable, la porcherie ainsi que le hangar où était entreposé le matriel agricole.

Autour du fumier entassé dans la cour, se dandinaient dans une intolérable cacophonie les oies, les poules, les canards et autres volailles. Chaque exploitation avait son chien de garde. Je me souviens en particulier du chien "Maxi" de la Famille SPECHT Emilie, dont je devais régulièrement affronter les grognements et le regard méchant alors que j'allais chercher le lait.

De magnifiques chevaux faisaient également partie de ce décor pitoresque de l'avant guerre. En été certains dimanches matins, montés par leur maître, ils traversaient la rue en direction de la "Rosschamm". La Rosschamm désignait une partie de la Fecht qui leur était réservée pour le traditonnel bain (accès en face de l'actuelle "rue de la Fecht"). Au fil des saisons se succédaient, les semailles, la moisson, les labours, rythmant ainsi la vie du village. Durant la fenaison, l'odeur du foin fraichement coupé flottait dans la rue. Le va et vient des chariots lourdement chargés recouvrait la chaussé d'une fine pellicule de brindilles. Pendant ces travaux, les charettes de foin, de blé, de paille encombraient la place et la rue en attendant d'être déchargées durant la soirée.

A l'ombre des marronniers qui s'élevaient sur la place, se cachaient durant la guerre les camions de la Wehrmacht pour s'abriter des mitraillages des avions Alliés. C'est sur ce même lieu que le village fut témoin de la réquisition par l'envahisseur des magnifiques chevaux. Que de pleurs pour les adultes, mais cette place restait pour nous enfants le lieu privilégié de nos jeux. Outre les artisans et les exploitants agricoles, trois familles de cheminots vivaient également dans la rue. M. Emile WINTERMANTEL était employé à la gare d'Ostheim.

Mon père Jacques STURM, installateur ferblantier au dépot de Colmar et M. BARBARAS Charles (père) qui était à la retraite. Mon père était avec M. BARBARAS Frédérique (plus connu sous le nom de Fritz Onkel), les seuls habitants de la rue à quitter le village pour se rendre sur leur lieu de travail de Colmar.

L'église Catholique, édifice dont la tour en grès rose ciselé dominait la place, avait comme chargé d'âme monsieur le curé HERRMANN, un homme grand et mince, habillé de sa soutane et coiffé d'une calotte noire, personnage éminent que nous ne manquions pas de saluer respectuesement. Il faisait bon vivre dans ma rue... Je me rappelle avec nostalgie des longues soirées d'hiver où l'on se retrouvaient entre voisins et amis à discuter, les hommes goutant le vin chaud et jouant aux cartes, les femmes s'affairaient à leurs ouvrages, tandis que les enfants faisaient des jeux. En été, ces mêmes personnes discutaient parfois dans la rue, assis sur de vieilles chaises en bois, jusqu'au tintement de la petite cloche "Nachtglok" (exposée dans la salle du conseil municipal à la mairie) actionnée par le veilleur de nuit (M. Arnold Jean) à dix heures du soir.

La vie de la rue de l'Eglise, pris fin le 21 décembre 1944 à minuit, date à laquelle nous avons du quitter nos maisons sur ordre de la "Feldgendarmerie" allemande, pour nous réfugier à Colmar et échapper aux bombardements intenses que subissait le village pour la libération de la poche de Colmar. Au retour de l'exode, la rue n'était plus que souvenir, mais elle reste vivante dans la coeur des anciens Ostheimois.